Eduardo Martínez

Eduardo Martínez

Master d’ingénieur en électronique, diplômes de ‘‘Stratégie International des Affaires’’ et de ‘‘Développement des Cadres’’ en poche, Eduardo a travaillé en France, en Allemagne et en Angleterre à différents postes de cadre pour des sociétés internationales dont Oracle. Aujourd’hui, à Londres, il occupe le poste de Responsable des Solutions d’Entreprise pour l’Europe chez DocuSign. Marié, il a trois enfants.

Chers Amis des Mayens, bonsoir.

Quand on m’a proposé de faire le discours du 1er Août, je n’étais pas seulement honoré, mais tout de suite très emballé par le défi. Puis, j’ai un peu hésité, parce que je questionnais ma légitimité pour vous parler de la Suisse, des traditions ou de la Fête nationale. Après réflexion, je me suis dit que c’était une occasion de présenter une vision provenant de quelqu’un qui est arrivé aux Mayens par adoption et non par
naissance.

À l’occasion de la Fête nationale, on fait référence, parmi d’autres dates clés de l’histoire de la Suisse, à ce jour du début août 1291, quand des représentants d’Uri, Schwytz et Unterwald, se promettent aide et assistance mutuelle, scellant ainsi une alliance perpétuelle, pilier de la Suisse actuelle. Cela évoque toujours une Suisse, terre de détermination, terre de tradition, terre de culture et terre de liberté. Pour moi, le 1er Août évoque aussi une Suisse terre d’accueil, terre d’inclusion et terre d’ouverture.

Mais d’où vient mon lien avec la Suisse et en particulier avec les Mayens-de-Sion? Vous avez peut-être remarqué un léger, très léger accent étranger. Eh bien, vous avez bien deviné, le français n’est pas ma langue maternelle mais c’est l’espagnol. Je suis né en Colombie, à Bogota, de parents colombiens, à 2600m d’altitude, deux fois plus haut que les Mayens. Il faut patienter car mon lien avec la Suisse ne vient pas de ma naissance.

Après avoir fini l’université, je suis parti en Angleterre pour parfaire ma maîtrise de l’anglais. Puis, j’ai voyagé quelques mois en Europe et c’était alors mon premier contact avec la Suisse car j’ai visité plusieurs villes du pays. J’étais fasciné par l’architecture, la propreté, l’ordre et bien sûr la beauté des Alpes. A ce moment, la conscience écologique m’a beaucoup impressionné car je me rappelle que certains conducteurs éteignaient déjà leur moteur aux feux rouges! À nouveau, il faut patienter car mon lien final avec la Suisse ne vient pas de ce voyage.

De retour en Colombie, un évènement allait bouleverser ma vie. Je me suis rendu compte lors de mon voyage en Europe, que l’anglais et l’espagnol étaient très utiles, mais le français également. Je me suis donc inscrit à l’Alliance Française à Bogota. Après trois ans de cours du soir, une nouvelle enseignante est arrivée, une jeune Suissesse de mon âge. Après quelques semaines nous avons commencé à sortir ensemble. Vous vous en doutez, mon niveau de français s’est bien amélioré à ce moment-là! Après quelques temps elle décida de rentrer en Europe. Ce n’était pas un choix facile pour moi, mais finalement je me suis décidé à quitter mon travail et ma vie en Colombie pour la rejoindre en France.

Peu de temps après, nous nous sommes mariés et très vite elle m’a fait connaitre les Mayens-de-Sion. Et voilà que 28 ans et trois enfants plus tard, Sabine et moi, que ce soit depuis la France ou depuis
l’Angleterre, venons en famille, malgré Brexit et Covid, ici sur cette même place pour fêter le 1er Août.

La famille paternelle de Sabine, de Torrenté, est originaire du Valais. Comme vous le savez bien, depuis la fin du 17ème siècle, des familles sédunoises ont construit des chalets résidentiels aux Mayens-de-Sion pour fuir l’insalubrité et la chaleur de la plaine. La canalisation de Rhône n’a débuté, en effet, qu’en 1860.

Mais rien de mieux pour illustrer cette époque que citer un passage de la chronique du chalet de 1915: «La montée au chalet et la descente à la fin de l’été sont de véritables aventures: linge de maison, ustensiles de la vie quotidienne, épicerie, vêtements, poules et lapins sont chargés sur un char à cheval; Fanny monte avec le char ou par le car postal; Edmond et les enfants montent à pied depuis Sion ou depuis Vex» ou encore un autre passage de la chronique, cette-fois-ci de 1942: «Le bisse est un lieu de rendez-vous. On y trouve un coiffeur, un marchand de fruits et légumes, une librairie-papeterie et une boucherie. Debons a ouvert une boulangerie pâtisserie et, sur sa terrasse, on boit l’apéro! On va à la Poste, à l’arrivée des cars pour chercher grand-papa qui arrive lourdement chargé.»

Et voilà que j’arrive au Mayens-de-Sion en 1992. Je fais donc partie de ceux qu’on appelle des pièces rajoutées. Ou, comme nous en avons discuté avec d’autres pièces rajoutées, pendant la raclette estivale, nous serions plutôt des «pièces rapportées» des Mayens. En 2015, étant donné l’attachement très fort que nous et nos enfants avons pour cet endroit idyllique, Sabine et moi avons décidé de garder entièrement le chalet en achetant la part du reste de la famille.

Plusieurs choses m’ont frappé pendant toutes ces années aux Mayens. Tout d’abord, le paysage épatant et cette insolente beauté de la jeunesse des Alpes. La richesse de la biodiversité et la conscience écologique de vous tous. Le calme et la tranquillité. La sécurité pour les enfants. Le fait qu’il n’y ait pas de barrières ou de fils barbelés entre les propriétés est remarquable, spécialement dans un monde actuel où des gens veulent construire des murs entre les pays ou isoler leur pays. Il y a aussi le fait qu’aujourd’hui, plusieurs chalets appartiennent encore aux descendants des premières familles qui se sont installées aux Mayens dès la fin du 17ème siècle. D’une manière ou d’une autre, si vous pensez à cela, votre voisin ou voisine sur la place ici ce soir, peut-être, de loin, un cousin ou une cousine!

J’ai eu aussi tellement plaisir à découvrir la véritable raclette au feu de bois des mélèzes, les promenades et les courses de bateaux sur le bisse, les apéros dans les chalets voisins, et bien sûr l’immanquable abricotine.

Et finalement, comme mentionné plus tôt, un atout que je trouve remarquable aux Mayens-de-Sion: l’inclusion. Le fait même que je sois ici ce soir en train de vous parler, témoigne d’un esprit d’ouverture indéniable et un vrai souci pour connaître d’autres cultures. Cela fait presque 30 ans que je viens aux Mayens et je ne me suis jamais senti exclu. Bien au contraire, je perçois toujours un intérêt sincère des gens par rapport à mon parcours international et je suis toujours surpris de la connaissance que les gens ont de la Colombie, de la France ou de l’Angleterre.

Je tiens à remercier Tristan, le Président, et tout le comité de la SDMS de m’avoir invité aujourd’hui et je profite de les remercier pour l’organisation non seulement de la fête de ce soir mais aussi pour tous les autres évènements organisés pendant l’été.

J’espère que j’ai pu vous transmettre en ces quelques minutes les raisons de mon fort attachement aux Mayens-de-Sion. J’espère
également que vous pouvez maintenant comprendre quand je dis: je suis Colombien de naissance, Franco-Colombien de nationalité et Valaisan de coeur.

Je vous souhaite une belle soirée de Fête nationale.

Vive les Mayens
Vive le Valais
Vive la Suisse

Eduardo Martinez